PARTIE II CHAPITRE III : LE DÉLUGE DES CHALDÉENS

PARTIE II.
CHAPITRE III.
LE DÉLUGE DES CHALDÉENS


APKALLU, TEMPLE DE NINURTA, NINIVE

Nous possédons du récit chaldéen du Déluge deux versions inégalement développées, mais qui offrent entre elles un remarquable accord. La plus anciennement connue, et aussi la plus abrégée, est celle que Bérose avait tirée des livres sacrés de Babylone et comprise dans l'histoire qu'il écrivait à l'usage des Grecs. Après avoir parlé des neuf premiers rois antédiluviens, le prêtre chaldéen continuait ainsi :
"Obartès (Oubaratoutou) étant mort, son fils Xisouthros ('Hasisadra) régna dix-huit sares (64800 ans). C'est sous lui qu'arriva le grand déluge, dont l'histoire est racontée de la manière suivante dans les documents sacrés. Cronos (Êa) lui apparut dans son sommeil et lui annonça que le 15 du mois de daisios (le mois assyrien de sivan, un peu avant le solstice d'été) tous les hommes périraient par un déluge. Il lui ordonna donc de prendre le commencement, le milieu et la fin de tout ce qui était consigné par écrit et de l'enfouir dans la ville du Soleil, à Sippara, puis de construire un navire et d'y monter avec sa famille et ses amis les plus chers ; de déposer dans le navire des provisions pour la nourriture et la boisson, et d'y faire entrer les animaux, volatiles et quadrupèdes ; enfin de tout préparer pour la navigation. Et quand Xisouthros demanda de quel côté il devait tourner la marche de son navire, il lui fut répondu "vers les dieux," et de prier pour qu'il en arrivât du bien aux hommes.
Xisouthros obéit et construisit un navire long de cinq stades et large de deux ; il réunit tout ce qui lui avait été prescrit et embarqua sa femme, ses enfants et ses amis intimes...
Le déluge étant survenu et bientôt décroissant, Xisouthros lâcha quelques-uns des oiseaux. Ceux-ci n'ayant trouvé ni nourriture, ni lieu pour se poser, revinrent au vaisseau. Quelques jours après Xisouthros leur donna de nouveau la liberté ; mais ils revinrent encore au navire avec les pieds pleins de boue. Enfin, lâchés une troisième fois, les oiseaux ne retournèrent plus. Alors Xisouthros comprit que la terre était découverte ; il fit une ouverture au toit du navire et vit que celui-ci était arrêté sur une montagne. Il descendit donc avec sa femme, sa fille et son pilote, adora la Terre, éleva un autel et y sacrifia aux dieux ; à ce moment il disparut avec ceux qui l'accompagnaient.
Cependant ceux qui étaient restés dans le navire, ne voyant pas revenir Xisouthros, descendirent à terre à leur tour et se mirent à le chercher en l'appelant par son nom. Ils ne revirent plus Xisouthros, mais une voix du ciel se fit entendre, leur prescrivant d'être pieux envers les dieux ; qu'en effet il recevait la récompense de sa piété en étant enlevé pour habiter désormais au milieu des dieux, et que sa femme, sa fille et le pilote du navire partageaient un tel honneur. La voix dit en outre à ceux qui restaient qu'ils devaient retourner à Babylone et, conformément aux décrets du destin, déterrer les écrits enfouis à Sippara pour les transmettre aux hommes. Elle ajouta que le pays où ils se trouvaient était l'Arménie. Ceux-ci, après avoir entendu la voix, sacrifièrent aux dieux et revinrent à pied à Babylone. Du vaisseau de Xisouthros, qui s'était enfin arrêté en Arménie, une partie subsiste encore dans les monts Gordyéens, en Arménie, et les pèlerins en rapportent l'asphalte qu'ils ont râclé sur les débris ; on s'en sert pour repousser l'influence des maléfices. Quant aux compagnons de Xisouthros, ils vinrent à Babylone, déterrèrent les écrits déposés à Sippara, fondèrent des villes nombreuses, bâtirent des temples et reconstituèrent Babylone."
À côté de cette version qui, tout intéressante qu'elle soit, n'est cependant que de seconde main, nous pouvons maintenant placer une rédaction chaldéo-babylonienne originale, celle que le regretté George Smith a déchiffrée le premier sur des tablettes cunéiformes exhumées à Ninive et transportées au Musée Britannique. La narration du déluge y intervient comme épisode dans la onzième tablette ou onzième chant d'une grande épopée héroïque de la ville d'Ourouk dans la Basse-Chaldée, dont nous donnerons l'analyse détaillée dans le livre de cette histoire qui traitera des Chaldéens et des Assyriens. Cette narration y est placée dans la bouche même de 'Hasisadra, le patriarche sauvé du déluge et transporté par les dieux dans un lieu reculé, où il jouit d'une éternelle félicité.
On a pu en rétablir le récit presque sans lacunes par la comparaison des débris de trois exemplaires du poème, que renfermait la bibliothèque du palais de Ninive. Ces trois copies furent faites au VIIe siècle avant notre ère, par l'ordre du roi d'Assyrie Asschour-bani-abal, d'après un exemplaire très ancien que possédait la bibliothèque sacerdotale de la cité d'Ourouk, fondée par les monarques du premier Empire de Chaldée. Il est difficile de préciser la date de l'original ainsi transcrit par les scribes assyriens ; mais il est certain qu'il remontait à l'époque de cet Ancien Empire, dix-sept siècles au moins avant notre ère, et même probablement plus ; il était donc fort antérieur à Moscheh (Moïse) et presque contemporain d'Abraham. Les variantes que les trois copies existantes présentent entre elles prouvent que l'exemplaire type était tracé au moyen de la forme primitive d'écriture désignée sous le nom d'hiératique, caractère qui était déjà devenu difficile à lire au VIIe siècle, puisque les copistes ont varié sur l'interprétation à donner à certains signes et dans d'autres cas ont purement et simplement reproduit les formes de ceux qu'ils ne comprenaient plus. Il résulte enfin de la comparaison des mêmes variantes, que l'exemplaire transcrit par ordre d'Asschour-bani-abal était lui-même la copie d'un manuscrit plus ancien, sur laquelle on avait déjà joint au texte original quelques gloses interlinéaires. Certains des copistes les ont introduites dans le texte ; les autres les ont omises.
"Je veux te révéler, ô Izdhubar, l'histoire de ma conservation - et te dire la décision des dieux.
La ville de Schourippak, une ville que tu connais, est située sur l'Euphrate ; - elle était antique et en elle [on n'honorait pas] les dieux. - [Moi seul, j'étais] leur serviteur, aux grands dieux. - [Les dieux tinrent conseil sur l'appel d']Anou. - [Un déluge fut proposé par] Bel - [et approuvé par Nabou, Nergal et] Ninib.
Et le dieu [Êa], le seigneur immuable, - répéta leur commandement dans un songe. - J'écoutais l'arrêt du destin qu'il annonçait, et il me dit : - "Homme de Schourippak, fils d'Oubaratoutou, - toi, fais un vaisseau et achève-le [vite]. - [Par un déluge] je détruirai la semence et la vie. - Fais (donc) monter dans le vaisseau la semence de tout ce qui a vie. - Le vaisseau que tu construiras, - 600 coudées le montant de sa largeur et de sa hauteur. - [Lance-le] aussi sur l'Océan et couvre-le d'un toit." - Je compris et je dis à Êa, mon seigneur : - "[Le vaisseau] que tu me commandés de construire ainsi, - [quand] je le ferai - jeunes et vieux [se riront de moi]." - [Êa ouvrit sa bouche et] parla ; - il dit à moi, son serviteur : - "[S'ils se rient de toi,] tu leur diras : - [Sera puni] celui qui m'a injurié, - [car la protection des dieux] existe sur moi. - .... comme des cavernes.... j'exercerai mon jugement sur ce qui est en haut et ce qui est en bas.... - .... Ferme le vaisseau.... - .... Au moment venu, que je te ferai connaître, - entre dedans et amène à toi la porte du navire. - À l'intérieur, ton grain, tes meubles, tes provisions, - tes richesses, tes serviteurs mâles et femelles, et les jeunes gens, - le bétail des champs et les animaux sauvages des campagnes que je rassemblerai - et que je t'enverrai, seront gardés derrière ta porte." - 'Hasisadra ouvrit sa bouche et parla ; - il dit à Êa, son seigneur : - "Personne n'a fait [un tel] vaisseau. - Sur la carène je fixerai.... - je verrai.... et le vaisseau.... - le vaisseau que tu me commandes de construire [ainsi,] - qui dans...." ."
"Au cinquième jour [ses deux flancs (Du navire.)] étaient élevés. - Dans sa couverture quatorze en tout étaient ses fermes, - quatorze en tout on en comptait en dessus. - Je plaçai son toit et je le couvris. - Je naviguai dedans au sixième (jour) ; je divisai ses étages au septième ; - je divisai les compartiments intérieurs au huitième. - Je bouchai les fentes par où l'eau entrait dedans ; - je visitai les fissures et j'ajoutai ce qui manquait. - Je versai sur l'extérieur trois fois 3600 (mesures) de bitume, - et trois fois 3600 (mesures) de bitume à l'intérieur. - Trois fois 3600 hommes porte-faix apportèrent sur leurs têtes les caisses (de provisions). - Je gardai 3600 caisses pour la nourriture de ma famille - et les mariniers se partagèrent deux fois 3600 caisses. - Pour [l'approvisionnement] je fis tuer des boeufs ; - j'instituai [des distributions] pour chaque jour. - En [prévision des besoins de] boissons, des tonneaux et du vin - [je rassemblai en quantité] comme les eaux d'un fleuve et - [des provisions] en quantité pareille à la poussière de la terre ; - [à les arranger dans] les caisses je mis la main. - .... du soleil.... le vaisseau était achevé. - .... fort, et - je fis porter en haut et en bas les apparaux du navire. - [Ce chargement] en remplit les deux tiers.
Tout ce que je possédais, je le réunis ; tout ce que je possédais d'argent, je le réunis ; - tout ce que je possédais d'or, je le réunis ; - tout ce que je possédais de semences de vie de toute nature, je le réunis. - Je fis tout monter dans le vaisseau ; mes serviteurs mâles et femelles, - le bétail des champs, les animaux sauvages des campagnes et les fils du peuple, je les fis tous monter.
Schamasch (le Soleil) fit le moment déterminé, et - il l'annonça en ces termes : "Au soir je ferai pleuvoir abondamment du ciel ; - entre dans le vaisseau et ferme ta porte." - Le moment fixé était arrivé, - qu'il annonçait en ces termes : "Au soir je ferai pleuvoir abondamment du ciel." - Quand j'arrivai au soir de ce jour, - du jour où je devais me tenir sur mes gardes, j'eus peur ; - j'entrai dans le vaisseau et je fermai ma porte. - En fermant le vaisseau, à Bouzour-schadi-rabi, le pilote, - je confiai (cette) demeure avec tout ce qu'elle comportait.
Mou-scheri-ina-namari s'éleva des fondements du ciel en un nuage noir ; - Raman tonnait au milieu de ce nuage, - et Nabou et Scharrou marchaient devant ; - ils marchaient dévastant la montagne et la plaine ; - Nergal le puissant traîna (après lui) les châtiments ; - Ninib s'avança en renversant devant lui ; - les Archanges de l'abîme apportèrent la destruction, - dans leurs épouvantements ils agitèrent la terre. - L'inondation de Raman se gonfla jusqu'au ciel, - et [la terre,] devenue sans éclat, fut changée en désert.
Ils brisèrent les.... de la surface de la terre comme.... ; - [ils détruisirent] les êtres vivants de la surface de la terre. - Le terrible [déluge] sur les hommes se gonfla jusqu'au [ciel.] - Le frère ne vit plus son frère ; les hommes ne se reconnurent plus. Dans le ciel - les dieux prirent peur de la trombe et - cherchèrent un refuge ; ils montèrent jusqu'au ciel d'Anou. - Les dieux étaient étendus immobiles, serrés les uns contre les autres, comme des chiens. - Ischtar parla comme un petit enfant, - la grande déesse prononça son discours : - "Voici que l'humanité est retournée en limon, et - c'est le malheur que j'ai annoncé en présence des dieux. - Tel que j'ai annoncé le malheur en présence des dieux, - pour le mal j'ai annoncé le.... terrible des hommes qui sont à moi. - Je suis la mère qui a enfanté les hommes, et - comme la race des poissons les voilà qui remplissent la mer ; et - les dieux, à cause de (ce que font) les Archanges de l'abîme, sont pleurant avec moi." - Les dieux sur leurs sièges étaient assis en larmes, - et ils tenaient leurs lèvres fermées, [méditant] les choses futures.
Six jours et autant de nuits - se passèrent ; le vent, la trombe et la pluie diluvienne étaient dans toute leur force. - À l'approche du septième jour, la pluie diluvienne s'affaiblit, la trombe terrible - qui avait assailli à la façon d'un tremblement de terre - se calma. La mer tendit à se dessécher, et le vent et la trombe prirent fin. - Je regardai la mer en observant attentivement. - Et toute l'humanité était retournée en limon ; - comme des algues les cadavres flottaient. - J'ouvris la fenêtre, et la lumière vint frapper ma face. - Je fus saisi de tristesse, je m'assis et je pleurai ; - et mes larmes vinrent sur ma face.
Je regardai les régions qui bornaient la mer ; - vers les douze points de l'horizon, pas de continent. - Le vaisseau fut porté au-dessus du pays de Nizir. - La montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus. - Un jour et un second jour, la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus ; - le troisième et le quatrième jour, la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus ; - le cinquième et le sixième jour, la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus. - À l'approche du septième jour, - je fis sortir et lâchai une colombe. La colombe alla, tourna et - ne trouva pas d'endroit où se poser et elle revint. - Je fis sortir et je lâchai une hirondelle. L'hirondelle alla, tourna et - ne trouva pas d'endroit où se poser, et elle revint. - Je fis sortir et je lâchai un corbeau. - Le corbeau alla et vit les charognes sur les eaux ; - il mangea, se posa, tourna et ne revint pas.
Je fis sortir alors (ce qui était dans le vaisseau) vers les quatre vents, et j'offris un sacrifice. - J'élevai le bûcher de l'holocauste sur le pic de la montagne ; - sept par sept je disposai les vases mesurés, - et en dessous j'étendis des roseaux, du bois de cèdre et de genévrier. - Les dieux sentirent l'odeur ; les dieux sentirent la bonne odeur ; - et les dieux se rassemblèrent comme des mouches au-dessus du maître du sacrifice. - De loin, en s'approchant, la Grande Déesse - éleva les grandes zones que Anou a faites comme leur gloire (des dieux). - Ces dieux, cristal lumineux devant moi, je ne les quitterai jamais ; - en ce jour je priai pour qu'à toujours je pusse ne jamais les quitter : - "Que les dieux viennent à mon bûcher d'holocauste ! - mais que jamais Bel ne vienne à mon bûcher d'holocauste ! car il ne s'est pas maîtrisé et il a fait la trombe (du déluge), - et il a compté mes hommes pour le gouffre.
De loin, en s'approchant, Bel - vit le vaisseau ; et Bel s'arrêta ; il fut rempli de colère contre les dieux et les Archanges célestes. - "Personne ne doit sortir vivant ! aucun homme ne sera préservé de l'abîme !" - Ninib ouvrit sa bouche et parla ; il dit au guerrier Bel : - "Quel autre que Êa en aurait formé la résolution ? - car Êa possède la science et [il prévoit] tout." - Êa ouvrit sa bouche et parla ; il dit au guerrier Bel : - "O toi, héraut des dieux, guerrier, - comme tu ne t'es pas maîtrisé, tu as fait la trombe (du déluge). - Laisse le pécheur porter le poids de son péché, le blasphémateur le poids de son blasphème. - Complais-toi dans ce bon plaisir et jamais il ne sera enfreint ; la foi jamais [n'en sera violée.] - Au lieu que tu fasses un (nouveau) déluge, que les lions surviennent et qu'ils réduisent le nombre des hommes ; - au lieu que tu fasses un (nouveau) déluge, que les hyènes surviennent et qu'elles réduisent le nombre des hommes ; - au lieu que tu fasses, un (nouveau) déluge, qu'il y ait famine et que la terre soit [dévastée ;] - au lieu que tu fasses un (nouveau) déluge, que Dibbarra (le dieu des épidémies) survienne et que les hommes soient [moissonnés]. - Je n'ai pas révélé la décision des grands dieux ; - c'est 'Hasisadra qui a interprété un songe et compris ce que les dieux avaient décidé."
Alors quand sa résolution fut arrêtée, Bel entra dans le vaisseau, - il prit ma main et me fit lever. - Il fit lever aussi ma femme et la fit se placer à mon côté. - Il tourna autour de nous et s'arrêta fixe ; il s'approcha de notre groupe. - "Jusqu'à présent 'Hasisadra a fait partie de l'humanité périssable ; - mais voici que 'Hasisadra et sa femme vont être enlevés pour vivre comme les dieux, - et 'Hasisadra résidera au loin, à l'embouchure des fleuves." - Ils m'emportèrent et m'établirent dans un lieu reculé, à l'embouchure des fleuves."
"Ce récit, dit Lenormant,  suit très exactement la même marche que celui de la Genèse, et d'un côté à l'autre les analogies sont frappantes."
Quand nous considérons ces deux formes de la même légende, nous voyons beaucoup de points où l'histoire pointe directement vers l'Atlantide.
1. En premier lieu, Bérose nous dit que le dieu qui a averti de la venue du Déluge était Chronos. Chronos, c'est bien connu, était le même que Saturne. Saturne était un ancien roi d'Italie qui, bien avant la fondation de Rome, a introduit aux Italiens la civilisation d'un autre pays. Il a établi l'industrie et l'ordre social, a rempli la terre d'abondance et a créé l'âge d'or de l'Italie. Il fut soudain emmené dans les demeures des dieux. Son nom est lié, dans les légendes mythologiques, à "un grand continent saturnien" dans l'océan Atlantique, et à un grand royaume qui, dans les âges lointains, embrassait l'Afrique du Nord et la côte européenne de la Méditerranée jusqu'à la péninsule italienne, et "certaines îles de la mer" ; ce qui rejoint, à cet égard, l'histoire de Platon quant aux possessions de l'Atlantide. Les Romains appelaient l'océan Atlantique "Chronium Mare", la mer de Chronos, identifiant ainsi Chronos avec cet océan. Les piliers d'Hercule étaient aussi appelés par les anciens "les piliers de Chronos".
Nous avons donc ici un témoignage convaincant que le pays mentionné dans les légendes chaldéennes était le pays de Chronos, ou Saturne, le monde océanique, la domination de l'Atlantide.
2. Hea ou Ea, le dieu des tablettes de Ninive, était un dieu des poissons : il était représenté dans les monuments chaldéens comme moitié homme et moitié poisson ; il était décrit comme le dieu, non pas des rivières et des mers, mais de "l'abîme"-c'est-à-dire, l'océan. C'est lui qui aurait apporté la civilisation et les lettres aux ancêtres des Assyriens. Il représentait clairement une nation ancienne, maritime et civilisée ; il venait de l'océan et était associé à des terres et à des gens qui avaient été détruits par la pluie et les inondations. Le fait que la scène du Déluge soit située sur l'Euphrate ne prouve rien, car nous verrons par la suite que presque chaque nation avait sa montagne spéciale sur laquelle, selon ses traditions, l'arche reposait ; tout comme chaque tribu grecque avait sa propre montagne particulière d'Olympe. Le dieu Bel de la légende était le Baal des Phéniciens, qui, comme nous allons le montrer, étaient d'origine atlante. Bel, ou Baal, était vénéré sur les côtes occidentales et septentrionales de l'Europe, et donna son nom à la Baltique, à la Grande et à la Petite Ceinture, à Balesbaugen, à Balestranden, etc. et à de nombreuses localités des îles britanniques, comme Belan et les collines Baal du Yorkshire.
3. À ces égards où la légende chaldéenne, évidemment la forme la plus ancienne de la tradition, diffère de l'enregistrement biblique, nous voyons que dans chaque cas nous approchons plus près de l'Atlantide. Le récit donné dans la Genèse est la forme de la tradition qui serait naturelle pour un peuple de l'intérieur. Bien qu'il y ait une allusion à "l'effondrement des fontaines du grand abîme" (dont je parlerai plus en détail ci-après), la destruction principale semble avoir été accomplie par la pluie ; d'où le délai plus long accordé au Déluge, pour laisser le temps à la pluie de tomber, et ensuite de s'écouler de la terre. Un peuple habitant au milieu d'un continent ne pouvait pas concevoir la possibilité qu'un monde entier s'enfonce sous la mer ; ils supposaient donc que la destruction avait été causée par un déluge continu de pluie pendant quarante jours et quarante nuits.
Dans la légende chaldéenne, au contraire, la pluie n'a duré que sept jours ; et nous voyons que l'écrivain a eu un aperçu du fait que la destruction a eu lieu au milieu ou près de la mer. L'arche de la Genèse (têbâh) n'était qu'un coffre, un coffre, une grande boîte, comme pourrait l'imaginer un peuple de l'intérieur. L'arche des Chaldéens était un véritable navire ; elle avait une proue, un timonier, un pilote et des hommes pour la diriger ; et elle naviguait "dans la mer".
4. La légende chaldéenne ne représente pas une simple tempête de pluie, mais un énorme cataclysme. Il y a eu de la pluie, c'est vrai, mais il y a eu aussi du tonnerre, des éclairs, des tremblements de terre, du vent, un jet d'eau, et une dévastation des montagnes et des terres par la guerre des éléments. Toutes les terribles forces de la nature se battaient ensemble pour la terre condamnée : "L'archange de l'abîme apporta la destruction", "l'eau monta au ciel", "le frère ne vit plus son frère ; les hommes ne se connaissaient plus ;" les hommes "remplissaient la mer comme des poissons ;" la mer était remplie de boue, et "les corps flottaient comme des algues marines". Lorsque la tempête s'est calmée, la terre avait totalement disparu - il n'y avait plus "aucun continent". Tout cela n'est-il pas en accord avec "ce jour et cette nuit épouvantables" décrits par Platon ?
5. Dans l'original, il semble qu'Izdhubar, lorsqu'il a commencé à trouver les Khasisatra divinisés, ait d'abord voyagé jusqu'à la mer pendant neuf jours, puis s'est assuré les services d'un batelier et, en entrant dans un navire, a navigué pendant quinze jours avant de trouver le Chaldéen Noah. Cela montrerait que Khasisisatra habitait dans un pays lointain, un pays que l'on ne peut atteindre qu'en traversant l'eau ; et ceci, aussi, semble être une réminiscence du site réel de l'Atlantide. La mer qu'un voilier mettait quinze jours à traverser devait être un très grand plan d'eau ; en fait, un océan. deux versions de l'histoire chaldéenne, qui sont développées de façon tout à fait normale, mais qui présentent un accord remarquable. Le plus anciennement connu, et aussi le plus court, est celui que Bérose a pris des livres sacrés de Babylone et introduit dans l'histoire qu'il a écrite à l'usage des Grecs. Après avoir parlé des neuf derniers rois antédiluviens, le prêtre chaldéen poursuit ainsi.
"Obartès Elbaratutu étant mort, son fils Xisuthros (Khasisatra) régna dix-huit sares (64 800 ans). C'est sous sa direction qu'eut lieu le Grand Déluge, dont l'histoire est racontée comme suit dans les documents sacrés : Cronos (Ea) lui apparut dans son sommeil, et lui annonça que le quinzième jour du mois de Daisios (le mois assyrien Sivan - un peu avant le solstice d'été) tous les hommes devaient périr par un déluge. Il lui ordonna donc de prendre le commencement, le milieu et la fin de tout ce qui était consigné par écrit et de l'enterrer dans la Cité du Soleil, à Sippara ; puis de construire un vaisseau et d'y entrer avec sa famille et ses amis les plus chers ; de mettre dans ce vaisseau des provisions pour manger et boire, et de faire entrer les animaux, oiseaux et quadrupèdes ; enfin, de préparer tout pour la navigation. Et quand Xisuthros demanda dans quelle direction il devait diriger son écorce, on lui répondit:'vers les dieux', et on lui ordonna de prier pour que cela fasse du bien aux hommes.
"Xisuthros obéit, et construisit un navire de cinq stades de long sur cinq de large ; il rassembla tout ce qui lui avait été prescrit, et embarqua sa femme, ses enfants et ses amis intimes.
"Le Déluge étant arrivé, et descendant bientôt, Xisuthros libéra quelques oiseaux. Ceux-ci, ne trouvant ni nourriture ni endroit pour descendre, retournèrent au navire. Quelques jours plus tard, Xisuthros les libéra de nouveau, mais ils retournèrent au navire, les pieds pleins de boue. Finalement, relâchés la troisième fois, les oiseaux ne sont plus revenus. Alors Xisuthros comprit que la terre était nue. Il fit une ouverture dans le toit du navire, et vit qu'il s'était échoué au sommet d'une montagne. Il descendit ensuite avec sa femme, sa fille et son pilote, qui adorait la terre, éleva un autel et y sacrifia aux dieux ; au même moment, il disparut avec ceux qui l'accompagnaient.
"Pendant ce temps, ceux qui étaient restés dans le vase, ne voyant pas revenir Xisutbros, descendirent aussi, et se mirent à le chercher en l'appelant par son nom. Ils ne virent plus Xisuthros ; mais on entendit du ciel une voix qui leur ordonnait la piété envers les dieux ; qu'en effet, il recevait la récompense de sa piété en étant emporté pour habiter désormais au milieu des dieux, et que sa femme, sa fille et le pilote du navire partageaient le même honneur. La voix a ajouté qu'ils devaient retourner à Babylone et, conformément aux décrets du destin, désinterpréter les écrits enterrés à Sippara afin de les transmettre aux hommes. Elle a ajouté que le pays dans lequel ils se trouvaient était l'Arménie. Ceux-ci, ayant entendu la voix, sacrifièrent aux dieux et retournèrent à pied à Babylone. Du navire de Xisuthros, qui avait finalement débarqué en Arménie, une partie se trouve encore dans les montagnes de Gordy en Arménie, et les pèlerins apportent de là l'asphalte qu'ils ont raclé de ses fragments. Il est utilisé pour éviter l'influence de la sorcellerie. Quant aux compagnons de Xisuthros, ils vinrent à Babylone, désossèrent les écrits laissés à Sippara, fondèrent de nombreuses villes, construisirent des temples, et restaurèrent Babylone."
"A côté de cette version, dit Lenormant, qui, pour intéressante qu'elle soit, est, après tout, d'occasion, nous pouvons maintenant placer une édition originale chaldéo-babylonienne, que le regretté George Smith a été le premier à déchiffrer sur les tablettes cunéiformes exhumées à Ninive, et maintenant au British Museum. Ici, le récit du Déluge apparaît comme un épisode dans la onzième tablette, ou onzième chant de la grande épopée de la ville d'Uruk. Le héros de ce poème, une sorte d'Hercule, dont le nom n'est pas encore connu avec certitude, attaqué par la maladie (une sorte de lèpre), va, en vue de sa guérison, consulter le patriarche sauvé du Déluge, Khasisatra, dans le pays lointain où les dieux l'ont transporté, pour y jouir du bonheur éternel. Il demande à Khasisatra de révéler le secret des événements qui l'ont conduit à obtenir le privilège de l'immortalité, et ainsi le patriarche est amené à raconter le cataclysme.
"En comparant les trois exemplaires du poème que contenait la bibliothèque du palais de Ninive, il a été possible de restaurer le récit sans presque aucune interruption. Ces trois exemplaires ont été, sur ordre du roi d'Assyrie, Asshurbanabal, réalisés au VIIIe siècle av. J.-C., à partir d'un spécimen très ancien de la bibliothèque sacerdotale de la ville d'Ourouk, fondée par les rois du premier empire chaldéen. Il est difficile de fixer précisément la date de l'original, copié par des scribes assyriens, mais il remonte certainement à l'ancien empire, dix-sept siècles au moins avant notre ère, et même probablement au-delà ; il était donc bien antérieur à Moïse, et presque contemporain d'Abraham. Les variations présentées par les trois copies existantes prouvent que l'original était dans le mode d'écriture primitif appelé hiératique, un personnage qui a dû devenir difficile à déchiffrer dès le VIIIe siècle avant J.-C., car les copistes ont divergé quant à l'interprétation à donner à certains signes, et dans d'autres cas ont simplement reproduit exactement les formes qu'ils n'avaient pas comprises. Enfin, il résulte d'une comparaison de ces variations, que l'original, transcrit par ordre d'Asshurbanabal, devait lui-même être une copie d'un manuscrit encore plus ancien, celui-ci, dont le texte original avait déjà reçu des commentaires interlinéaires. Certains copistes les ont introduits dans leur texte, d'autres les ont omis. Avec ces observations préliminaires, je procède à donner intégralement le récit attribué dans le poème à Khasisatra :
"'Je vais te révéler, ô Izdhubar, l'histoire de ma conservation et te raconter la décision des dieux.
"'La ville de Shurippak, une ville que tu connais, est située sur l'Euphrate, elle était ancienne, et en elle[les hommes n'honoraient pas] les dieux. Moi seul, j'étais] leur serviteur, pour les grands dieux--[Les dieux ont pris conseil sur l'appel de] Ann--[un déluge a été proposé par] Bel--[et approuvé par Nabon, Nergal et] Adar.
"Et le dieu[Ea], le seigneur immuable, répéta cet ordre en songe ; j'écoutai le décret du destin qu'il avait annoncé et il me dit : "Homme de Shurippak, fils d'Ubaratutu, tu construiras un vaisseau et tu le finiras[rapidement] ; je vais détruire la substance et la vie[par un déluge].Fais monter dans le vase la substance de tout ce qui a de la vie ; tu bâtiras le vase, dont la longueur sera de 600 coudées, et dont la largeur et la hauteur seront de 60 coudées. J'ai compris et j'ai dit à Ea, mon seigneur :"[Le vaisseau] que tu m'as commandé de construire ainsi--[Quand] je le ferai, jeunes et vieux[se moqueront de moi]"--[Ea a ouvert sa bouche et] a parlé.--Il me dit, à moi, son serviteur : "[S'ils se moquent de toi] tu leur diras :[sera puni] celui qui m'a insulté,[pour la protection des dieux] est au-dessus de moi... .. comme des cavernes... -- -- ... J'exercerai mon jugement sur ce qui est en haut et sur ce qui est en bas... -- ..... Fermez le récipient ..... -- .... A un moment donné que je te ferai connaître, entre dedans et attire la porte du vaisseau vers toi.En son sein, tes grains, tes meubles, tes provisions, tes richesses, tes serviteurs, tes serviteurs, tes servantes et tes jeunes gens, le bétail des champs et les bêtes sauvages de la plaine que je vais rassembler, et que je t'enverrai, seront gardés derrière ta porte."-Khasisatra a ouvert sa bouche et parlé ; il dit à Ea, son maître : "Personne ne fit[un tel] navire.A la proue, je fixerai... -Je verrai... et le vaisseau... --le vaisseau que tu me commandes de construire[ainsi] qui en...."
"Le cinquième jour[les deux côtés de l'écorce] ont été soulevés ; dans sa couverture quatorze en tout, il y avait ses chevrons, quatorze en tout, il comptait plus de quatorze ; j'ai placé son toit et je l'ai couvert ; j'y suis entré le sixième jour ; j'ai divisé ses étages le septième jour ; j'ai divisé les compartiments intérieurs le huitième jour. J'ai bouché les fentes par lesquelles entrait l'eau ; j'ai visité les fentes, et j'ai ajouté ce que je voulais ; j'ai versé sur l'extérieur trois fois 3600 mesures d'asphalte, et trois fois 3600 mesures d'asphalte dedans ; trois fois 3600 hommes, porteurs, ont apporté sur leur tête les coffres des provisions. 3600 coffres pour nourrir ma famille, et les marins répartis entre eux deux fois 3600 coffres.- --J'ai fait tuer des boeufs ; j'ai institué des[rations] pour chaque jour... En[anticipant le besoin de] boissons, de tonneaux et de vin--[j'ai recueilli en quantité] comme les eaux d'une rivière,[de provisions] en quantité comme la poussière de la terre-- --... du soleil.... le vaisseau était terminé..... fort et... je l'avais transporté au-dessus et au-dessous des meubles du vaisseau...[Ce chargement remplissait les deux tiers.]
"Tout ce que j'ai possédé, je l'ai rassemblé ; tout ce que j'ai possédé d'argent, je l'ai rassemblé ; tout ce que j'ai possédé d'or, je l'ai rassemblé ; tout ce que j'ai possédé de la substance de vie de toutes sortes, je l'ai rassemblé ; je l'ai monté dans le vase, mes domestiques, hommes et femmes, les bêtes sauvages des champs et des plaines, les fils du peuple, je les ai tous élevés.
"Shamash (le soleil) a déterminé le moment, et il l'a annoncé en ces termes : "Le soir, je ferai pleuvoir abondamment du ciel ; entrer dans le vase et fermer la porte." - Le moment fixé était arrivé, qu'il a annoncé en ces termes : "Le soir, je ferai pleuvoir abondamment du ciel." Quand le soir de ce jour est arrivé, j'ai eu peur, - je suis entré dans le vase et fermé ma porte.--En fermant le navire, à Buzur-shadi-rabi, le pilote, -j'ai confié cette demeure, avec tout ce qu'elle contenait.
"Mu-sheri-ina-namari--rose des fondations du ciel dans un nuage noir;--Ramman tonnèrent au milieu du nuage,-- et Nabon et Sharru marchèrent avant;-- ils marchèrent, dévastant la montagne et la plaine;--Nergal les puissants châtiments tirés après lui;--Adar avança, renversèrent;-- devant lui,--les archanges de l'abysse apportèrent destruction;--dans leur terreur ils agitèrent la terre.L'inondation de Ramman a gonflé jusqu'au ciel, et[la terre] est devenue sans éclat, a été changée en désert.
"'Ils ont brisé ... de la surface de la terre comme...;--[ils ont détruit] les êtres vivants de la surface de la terre... --Le terrible[Déluge] sur les hommes a enflé jusqu'au[ciel]. Le frère ne voyait plus son frère ; les hommes ne se connaissaient plus. Au ciel, les dieux eurent peur de la goulotte et cherchèrent un refuge ; ils s'élevèrent jusqu'au ciel d'Anou, les dieux s'étendirent immobiles, se serrant les uns contre les autres comme des chiens ; Chtar gémit comme un enfant, la grande déesse prononça son discours : "Voici l'humanité retournée dans la boue, et voici le malheur que je vous ai annoncé en présence des dieux.Alors j'annonçai le malheur en présence des dieux, -pour le mal j'annonçai le terrible[châtiment] des hommes qui sont miens, -je suis la mère qui a donné naissance aux hommes, et -comme à la race des poissons, là ils remplissent la mer ; -et les dieux, à cause de cela -ce que font les archanges de l'abîme pleurent avec moi."--Les dieux sur leurs sièges étaient assis dans les larmes, et ils gardèrent leurs lèvres fermées,[tournant] des choses futures.
"Six jours et autant de nuits passèrent ; le vent, le jet d'eau et la pluie diluvienne étaient dans toute leur force. À l'approche du septième jour, la pluie diluvienne s'est affaiblie, le terrible jet d'eau - qui s'était produit après un tremblement de terre - s'est calmé, la mer s'est asséchée et le vent et le jet d'eau se sont arrêtés. Je regardais la mer, observant attentivement - et l'humanité entière était retournée à la boue ; comme les algues marines, les cadavres flottaient. J'ai ouvert la fenêtre et la lumière m'a frappé au visage. J'étais saisi de tristesse ; je me suis assis et j'ai pleuré ; et mes larmes sont venues sur mon visage.
"'J'ai regardé les régions bordant la mer : vers les douze points de l'horizon ; pas un seul continent.Un jour et un deuxième jour, la montagne de Nizir a arrêté le navire et ne lui a pas permis de passer;- le troisième et quatrième jour, la montagne de Nizir a arrêté le navire et ne lui a pas permis de passer;- le cinquième et sixième jour, la montagne de Nizir a arrêté le navire et ne lui a pas permis de passer au-dessus. À l'approche du septième jour, j'ai envoyé une colombe et je l'ai libérée. La colombe est partie, s'est retournée et n'a pas trouvé d'endroit où s'allumer, et elle est revenue. J'envoyai une hirondelle et je la relâchai ; l'hirondelle s'en alla, se retourna et ne trouva pas d'endroit où s'éclairer, et elle revint. Le corbeau alla voir les cadavres sur les eaux ; il mangea, se reposa, se retourna, et ne revint pas.
"J'ai alors envoyé (ce qu'il y avait dans le vaisseau) vers les quatre vents, et j'ai offert un sacrifice. J'ai élevé le tas de mes holocaustes sur le sommet de la montagne ; sept par sept j'ai disposé les vases mesurés, et sous lesquels j'ai répandu des joncs, du cèdre et du bois de genévrier. Les dieux en étaient saisis de désir - les dieux en étaient saisis d'un désir bienveillant - et les dieux s'assemblèrent comme des mouches au-dessus du maître du sacrifice. De loin, en s'approchant, la grande déesse éleva les grandes zones qu'Anou a faites pour leur gloire (les dieux). Ces dieux, ces cristaux lumineux devant moi, je ne les quitterai jamais ; en ce jour-là, j'ai prié pour que je ne les quitte jamais. "Que les dieux viennent sur ma pile sacrificielle ! mais que Bel ne vienne jamais sur ma pile sacrificielle ! car il ne s'est pas maîtrisé lui-même, et il a fait le jet d'eau pour le déluge, et il a compté mes hommes pour la fosse."
"'De loin, en s'approchant, Bel... vit le vase, et Bel s'arrêta... il était rempli de colère contre les dieux et les archanges célestes...
"Personne ne sortira vivant !" Nul ne sera préservé de l'abîme !"--Adar ouvrit la bouche et dit ; il dit au guerrier Bel : "Quoi d'autre que Ea aurait dû former cette résolution ? car Ea possède la connaissance, et[il prévoit] tout."--Ea ouvrit sa bouche et dit au guerrier Bel : "Ô héraut des dieux, guerrier, comme tu ne t'es pas maîtrisé toi-même, tu as fait couler l'eau du déluge, laisse le pécheur porter le poids de ses péchés, le blasphémateur le poids de son blasphème.S'il te plaît avec ce bon plaisir, et il ne sera jamais transgressé ; la foi en elle ne sera jamais[transgressée].--Au lieu de faire un nouveau déluge, que les lions apparaissent et réduisent le nombre d'hommes ; au lieu de faire un nouveau déluge, que les hyènes apparaissent et réduisent le nombre d'hommes ; au lieu de faire un nouveau déluge, qu'il y ait famine et que la terre soit[dévastée] ; au lieu de faire un nouveau déluge, que Dibbara apparaisse et que des hommes[fauchés] soient. Je n'ai pas révélé la décision des grands dieux ; c'est Khasisatra qui a interprété un rêve et compris ce que les dieux avaient décidé."
"Puis, quand sa détermination a été arrêtée, Bel est entré dans le vaisseau. Il a pris ma main et m'a fait lever. Il a fait lever ma femme, et l'a fait s'asseoir sur mon côté. Il s'est tourné autour de nous et s'est arrêté court ; il s'est approché de notre groupe."Jusqu'à présent, Khasisatra a fait partie de l'humanité périssable ; mais voici, maintenant Khasisatra et sa femme vont être emportés pour vivre comme les dieux, et Khasisatra résidera loin à l'embouchure des rivières.""Ils m'ont emporté, et m'ont établi dans un endroit éloigné à l'entrée des rivières."
"Ce récit, dit Lenormant, suit avec une grande exactitude le même cours que celui-là, ou plutôt que celui de la Genèse, et les analogies sont, des deux côtés, frappantes.
Quand nous considérons ces deux formes de la même légende, nous voyons beaucoup de points où l'histoire pointe directement vers l'Atlantide.
1. En premier lieu, Bérose nous dit que le dieu qui a averti de la venue du Déluge était Chronos. Chronos, c'est bien connu, n'était autre que Saturne. Saturne était un ancien roi d'Italie qui, bien avant la fondation de Rome, a introduit chez les Italiens la civilisation à partir d'un autre pays. Il établit l'industrie et l'ordre social, remplit la terre d'abondance et a créa l'âge d'or de l'Italie. Il fut soudain emmené dans les demeures des dieux. Son nom est lié, dans les légendes mythologiques, à "un grand continent saturnien" dans l'océan Atlantique, et à un grand royaume qui, dans les âges lointains, embrassait l'Afrique du Nord et la côte européenne de la Méditerranée jusqu'à la péninsule italienne, et "certaines îles de la mer" ; ce qui rejoint, à cet égard, le récit de Platon quant au territoire de l'Atlantide. Les Romains appelaient l'océan Atlantique "Chronium Mare", la mer de Chronos, identifiant ainsi Chronos avec cet océan. Les colonnes d'Hercule étaient aussi appelés par les anciens "les colonnes de Chronos".
Nous avons donc ici un témoignage convaincant que le pays mentionné dans les légendes chaldéennes était le pays de Chronos, ou Saturne, le monde océanique, le territoire de l'Atlantide.
2. Hea ou Ea, le dieu des tablettes de Ninive, était un dieu-poissons : il était représenté dans les monuments chaldéens comme mi-homme et mi-poisson ; il était décrit comme le dieu, non pas des rivières et des mers, mais de "l'abîme"-c'est-à-dire, l'océan. C'est lui qui aurait apporté la civilisation et les lettres aux ancêtres des Assyriens. Il représentait clairement une nation ancienne, maritime et civilisée ; il venait de l'océan et était associé à des terres et à un peuple qui avaient été détruits par la pluie et les inondations. Le fait que la scène du Déluge soit située sur l'Euphrate ne prouve rien, car nous verrons par la suite que presque chaque nation avait sa montagne particulière sur laquelle, selon ses traditions, l'arche s'était posée ; tout comme chaque tribu grecque avait sa propre montagne particulière d'Olympe. Le dieu Bel de la légende était le Baal des Phéniciens, qui, comme nous allons le montrer, étaient d'origine atlante. Bel, ou Baal, était vénéré sur les côtes occidentales et septentrionales de l'Europe, et donna son nom à la Baltique, à la Grande et à la Petite Ceinture, à Balesbaugen, à Balestranden, etc. et à de nombreuses localités des îles britanniques, comme Belan et les collines Baal du Yorkshire.
3. Malgré que la légende chaldéenne, évidemment forme la plus ancienne de la tradition, diffère du récit biblique, nous observons que dans chacun des cas nous approchons plus près de l'Atlantide. Le récit donné dans la Genèse est la forme de la tradition qui serait naturelle pour un peuple de l'intérieur. Bien qu'il y ait une allusion à ce que "les sources du grand abîme jaillirent" (ce dont je parlerai plus en détail ci-après), la destruction principale semble avoir été l'œuvre de la pluie ; d'où le délai plus long accordé au Déluge, pour laisser le temps à la pluie de tomber, puis de s'écouler sur la terre. Un peuple habitant au milieu d'un continent n'aurait pas pu concevoir qu'un monde entier puisse s'enfoncer sous la mer ; ils supposaient donc que la destruction avait été causée par un déluge continu de pluie pendant quarante jours et quarante nuits.
Dans la légende chaldéenne, au contraire, la pluie n'a duré que sept jours ; et nous voyons que le réacteur a eu la vision du fait que la destruction avait eu lieu au milieu ou près de la mer. L'arche de la Genèse (têbâh) n'était qu'un coffre, une caisse, une grande boîte, comme aurait pu l'imaginer un peuple de l'intérieur. L'arche des Chaldéens était un véritable navire ; elle avait une proue, un timonier, un pilote et des hommes pour la diriger ; et elle naviguait "sur la mer".
4. La légende chaldéenne ne comporte pas qu'une simple tempête de pluie, mais un énorme cataclysme. Il y eut la pluie, c'est vrai, mais aussi le tonnerre, des éclairs, des tremblements de terre, du vent, un jaillissement d'eau, et une dévastation des montagnes et des terres par la furie des éléments. Toutes les terribles forces de la nature se battirent ensemble sur cette terre condamnée : "L'archange de l'abîme apporta la destruction", "l'eau monta au ciel", "le frère ne vit plus son frère ; les hommes ne se connaissaient plus ;" les hommes "remplissaient la mer comme des poissons ;" la mer était remplie de boue, et "les corps flottaient comme des algues marines". Lorsque la tempête se fut calmée, la terre avait totalement disparu - il n'y avait plus "aucun continent". Tout cela n'est-il pas en accord avec "ce jour et cette nuit épouvantables" décrits par Platon ?
5. Dans (le récit NdT) original, il semble qu'Izdhubar, lorsqu'il a commencé à trouver les Khasisatra divinisés, voyagea d'abord pendant neuf jours jusqu'à la mer, puis s'assura les services d'un batelier et, embarquant sur un navire, navigua pendant quinze jours avant de trouver le Chaldéen Noah (Noé NdT). Cela montrerait que Khasisatra habitait dans un pays lointain, un pays que l'on ne peut atteindre qu'en traversant la mer ; et ceci, aussi, semble être une réminiscence du site réel de l'Atlantide. La mer qu'un voilier mettait quinze jours à traverser, devait être une très vaste étendue d'eau ; en fait, un océan.

Traduction ©Pierre Delacroix - Tous droits réservés.

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