PARTIE II CHAPITRE IV : LE DÉLUGE DANS LES LEGENDES D'AUTRES NATIONS

PARTIE II.
CHAPITRE IV.
LE DELUGE DANS LES LÉGENDES D'AUTRES NATIONS


DEUCALION ET PYRRHA

 Un examen des légendes du Déluge d'autres nations jettera la lumière sur les récits bibliques et chaldéens de ce grand événement.
L’auteur du traité De la Déesse Syrienne, indûment attribué à Lucien, nous fait connaître la tradition diluvienne des Araméens, issue directement de celle de la Chaldée, telle qu’on la racontait dans le fameux sanctuaire d’Hiérapolis ou Bambyce.
 La plupart des gens, dit-il, racontent que le fondateur du temple fut Deucalion-Sisythès, ce Deucalion sous lequel eut lieu la grande inondation. J’ai aussi entendu le récit que les Grecs font de leur côté sur Deucalion ; le mythe est ainsi conçu : La race actuelle des hommes n’est pas la première ; car il y en a eu une auparavant, dont tous les hommes ont péri. Nous sommes d’une deuxième race, qui descend de Deucalion et s’est multipliée avec la suite des temps. Quant aux premiers hommes, on dit qu’ils étaient pleins d’orgueil et d’insolence et qu’ils commettaient beaucoup de crimes, ne gardant pas leurs serments, n’exerçant pas les lois de l’hospitalité, n’épargnant pas les suppliants ; aussi furent-ils châtiés par un immense désastre. Subitement d’énormes masses d’eau jaillirent de la terre et des pluies d’une abondance extraordinaire se mirent à tomber, les fleuves sortirent de leur lit et la mer franchit ses rivages ; tout fut couvert d’eau, et tous les hommes périrent. Deucalion seul fut conservé vivant, pour donner naissance à une nouvelle race, à cause de sa vertu et de sa piété. Voici comment il se sauva. Il se mit avec ses enfants et ses femmes dans un grand coffre, qu’il avait, et où vinrent se réfugier auprès de lui des porcs, des chevaux, des lions, des serpents et de tous, les animaux terrestres. Il les reçut tous avec lui, et tout le temps qu’ils furent dans le coffre Zeus inspira à ces animaux une amitié réciproque, qui les empêcha de s’entredévorer. De cette façon, enfermés dans un seul coffre, ils flottèrent tant que les eaux furent dans leur force. Tel est le récit des Grecs sur Deucalion.
Mais à ceci, qu’ils racontent également, les habitants d’Hiérapolis ajoutent une narration merveilleuse : que dans leur pays s’ouvrit un vaste gouffre, où toute l’eau du déluge s’engloutit. Alors Deucalion éleva un hôtel et consacra un temple à Héra (‘Athar-’athê = Atargatis) près de ce gouffre. J’ai vu ce gouffre, qui est très étroit et situé sous le temple. Je ne sais pas s'il était plus grand autrefois et s’est maintenant rétréci ; mais je l’ai vu, il est tout petit. En souvenir de l’événement que l’on raconte, voici le rite que l’on accomplit. Deux fois par an l’on amène de l’eau de la mer au temple. Ce ne sont pas seulement les prêtres qui en font venir, mais de nombreux pèlerins de toute la Syrie, de l’Arabie et même d’au-delà de l’Euphrate, apportent de l’eau. On la verse dans le temple, et elle coule dans le gouffre, qui malgré son étroitesse en engloutit ainsi une quantité très considérable. On dit que cela se fait en vertu d’une loi religieuse instituée par Deucalion, pour entretenir le souvenir de la catastrophe et du bienfait qu’il reçut des dieux. Tel est l’antique tradition du temple.

"Il me parait bien difficile", dit Lenormant, "de ne pas reconnaître un écho des fables, populaires dans tous les pays sémitiques, sur le gouffre d'Hiérapolis et son rôle dans le déluge, dans les expres- sions énigmatiques du Qorân sur le four, tannour, qui se mit à bouillonner et à regorger d'eau se répandant tout autour, quand commença le déluge. On sait que ce tannour a été l'occasion des plus bizarres imaginations des commentateurs musulmans, qui avaient perdu la tradition de l'histoire à laquelle le Prophète faisait ainsi allusion. Du reste, dans un autre endroit du Qorân, il est dit formellement que les eaux du déluge fu- rent absorbées dans le sein de la terre."

Ici le Xisuthros de Bérose devient Deucalion-Sisythes. Les animaux ne sont pas rassemblés ensemble par Deucalion, comme dans le cas de Noé et de Khasisatra, mais ils se sont entassés dans le vaisseau de leur propre gré, poussés par la terreur que leur avait inspiré la tempête ; de même dans les grandes calamités, les créatures de la forêt sont connues pour chercher refuge dans les maisons des hommes.

L’Inde nous offre à son tour un récit du déluge, dont la parenté avec celui de la Bible et celui des Chaldéens est grande. La forme la plus ancienne et la plus simple s’en trouve dans leÇatapata Brâhmana, dont nous avons essayé plus haut d’indiquer la date approximative. Ce morceau a été traduit pour la première fois par M. Max Müller.
"Un matin, l’on apporta à Manou de l’eau pour se laver ; et, quand il se fut lavé, un poisson lui resta dans les mains. Et il lui adressa ces mots : Protège-moi et je te sauverai. — De quoi me sauveras-tu ? — Un déluge emportera toutes les créatures ; c’est là ce dont je te sauverai. —Comment te protégerai-je ? Le poisson répondit : Tant que nous sommes petits, nous restons en grand péril ; car le poisson avale le poisson. Garde-moi d’abord dans un vase. Quand je serai trop gros, creuse un bassin pour m’y mettre. Quand j’aurai grandi encore, porte-moi dans l’Océan. Alors je serai préservé de la destruction. Bientôt il devint un gros poisson. Il dit à Manou : Dans l’année même où j’aurai atteint ma pleine croissance, le déluge surviendra. Construis alors un vaisseau et adore-moi. Quand les eaux s’élèveront, entre dans ce vaisseau et je te sauverai.
Après l’avoir ainsi gardé, Manou porta le poisson dans l’Océan. Dans l’année qu’il avait indiquée, Manou construisit un vaisseau et adora le poisson. Et quand le déluge fut arrivé, il entra dans le vaisseau. Alors le poisson vint à lui en nageant, et Manou attacha le câble du vaisseau à la corne du poisson, et, par ce moyen, celui-ci le fit passer par-dessus la montagne du Nord. Le poisson dit : Je t’ai sauvé ; attache le vaisseau à un arbre, pour que l’eau ne l’entraîne pas pendant que tu es sur la montagne ; à mesure que les eaux baisseront, tu descendras. Manou descendit avec les eaux, et c’est ce qu’on appelle la descente de Manou sur la montagne du Nord. Le déluge avait emporté toutes les créatures, et Manou resta seul".

Il existe une autre forme de légende hindoue dans les Pourânas. Lenormant dit :
"Il est encore à remarquer que dans les Pourânas ce n’est plus Manou Vâivasvata que le poisson divin sauve du déluge ; c’est un personnage différent, roi des Dâsas, c’est-à-dire des pêcheurs, Satyavrata, l’homme qui aime la justice et la vérité, ressemblant d’une manière frappante au ‘Hasisadra de la tradition chaldéenne. Et la version pourânique de la légende du déluge n’est pas à dédaigner, malgré la date récente de sa rédaction, malgré les détails fantastiques et souvent presque enfantins dont elle surcharge le récit. Par certains côtés, elle est moins aryanisée que la version du Brâhmana et que celle du Mahâbhârata ; elle offre surtout quelques circonstances omises dans les rédactions antérieures et qui pourtant doivent appartenir au fonds primitifs, puisqu’elles se retrouvent dans la légende babylonienne, circonstances qui sans doute s’étaient conservées dans la tradition orale, populaire et non brahmanique, dont les Pourânas se montrent si profondément pénétrés. C’est ce qu’a remarqué déjà Pictet, qui insiste avec raison sur le trait suivant de la rédaction du Bhâgavata-Pourâna : Dans sept jours, dit Yischnou à Satyavatra, les trois mondes seront submergés par l’océan de la destruction. Il n’y a rien de semblable dans le Brâhmana ni dans le Mahâbhârata ; mais nous voyons dans la Genèse (VII, 4) que l’Éternel dit à Noa’h : Dans sept jours je ferai pleuvoir sur toute la terre ; et un peu plus loin nous y voyons encore : Au bout de sept jours, les eaux du déluge furent sur toute la terre. Il ne faut pas accorder moins d’attention à ce que dit le Bhâgavata-Pourâna des recommandations faites à Satyavrata par le dieu incarné en poisson, pour qu’il dépose les écritures sacrées en un lieu sûr, afin de le mettre à l’abri du Hayagrîva, cheval marin qui réside dans les abîmes, et de la lutte du dieu contre cet Hayagrîva qui a dérobé les Védas et produit ainsi le cataclysme en troublant l’ordre du monde. C’est encore une circonstance qui manque aux rédactions plus anciennes, même au Mahâbhârata ; mais elle est capitale et ne peut être considérée comme un produit spontané du sol de l’Inde, car il est difficile d’y méconnaître, sous un vêtement indien, le pendant exact de la tradition de l’enfouissement des écritures sacrées à Sippara par ‘Hasisadra, telle qu’elle apparaît dans la version des fragments de Bérose".
Les références aux "trois mondes" et au "dieu-poisson" dans ces légendes indiquent l'Atlantide. Les "trois mondes" font probablement référence au grand empire de l'Atlantide, décrit par Platon, à savoir le continent occidental, l'Amérique, le continent oriental, l'Europe et l'Afrique, considérés comme un, et l'île d'Atlantide. Comme nous l'avons vu, Poséidon, le fondateur de la civilisation de l'Atlantide, est identique à Neptune, qui est toujours représenté sur un dauphin, portant dans sa main un trident, ou symbole à trois branches, probablement emblématique du triple royaume. C'est donc un dieu de la mer, ou dieu des poissons, et il vient sauver le représentant de son pays.
Et nous avons aussi une forme nouvelle et singulière de la légende dans ce qui suit. Lenormant dit :
"Chez les Iraniens, nous rencontrons dans les livres sacrés qui constituent le fondement de la doctrine du zoroastrisme et remontent à une très haute antiquité ; une tradition dans laquelle il faut reconnaître bien certainement une variante de celle du déluge, mais qui prend un caractère bien spécial et s’écarte par certains traits essentiels de celles que nous avons jusqu’ici examinées. On y raconte comment Yima, qui dans sa conception originaire et primitive était le père de l’humanité, fut averti, par Ahouramazda, le dieu bon, de ce que la terre allait être dévastée par une inondation destructrice. Le dieu lui ordonna de construire un refuge, un jardin de forme carrée, vara, défendu par une enceinte, et d’y faire entrer les germes des hommes, des animaux et des plantes pour les préserver de l’anéantissement. En effet, quand l’inondation- survint, le jardin de Yima fut seul épargné, avec tout ce qu’il contenait ; et l’annonce du salut y fut apportée par l’oiseau Karschipta, envoyé d’Ahouramazda". "(" Vendûdid ", vol. ii, p. 46.)
Cela signifie clairement qu'avant la destruction de l'Atlantide, une colonie avait été envoyée dans un pays voisin. Ces émigrants construisirent une ville fortifiée et y apportèrent les céréales et les animaux domestiques de la mère patrie ; et lorsque l'île d'Atlantide sombra dans l'océan, un messager leur apporta la terrible nouvelle dans un bateau.
"Les Grecs avaient deux légendes principales et différentes, sur le cataclysme qui détruisit l’humanité primitive. La première se rattachait au nom d’Ogygès, le plus ancien roi de Béotie ou de l’Attique, personnage tout a fait mythique et qui se perd dans la nuit des âges ; son nom paraît dérivé de celui qui désignait primitivement le déluge dans les idiomes aryens, en sanscrit âugha. On racontait que, de son temps, tout le pays fut envahi par le déluge dont les eaux s’élevèrent jusqu’au ciel, et auquel il échappa dans un vaisseau avec quelques compagnons.
La seconde tradition est la légende thessalienne de Deucalion. Zeus ayant résolu de détruire les hommes de l’âge de bronze, dont les crimes avaient excité sa colère, Deucalion, sur le conseil de Prométhée, son père, construit un coffre dans lequel il se réfugie avec sa femme Pyrrha. Le déluge arrive ; le coffre flotte au gré des flots pendant neuf .jours et neuf nuits, et est enfin déposé par les eaux au sommet du Parnasse. Deucalion et Pyrrha en sortent, offrent un sacrifice et repeuplent le monde, suivant l’ordre de Zeus, en jetant derrière eux les os de la terre, c’est-à-dire des pierres, qui se changent en hommes. Ce déluge de Deucalion est, dans la tradition grecque, celui qui a le plus le caractère de déluge universel. Beaucoup d’auteurs disent qu’il s’étendit à toute la terre et que l’humanité entière y périt. A Athènes, on célébrait en mémoire de cet événement, et pour apaiser les mânes des morts du cataclysme, une cérémonie appelé Hydrophoria, laquelle avait, une analogie si étroite avec celle qui était en usage à Hiérapolis de Syrie, qu’il est difficile de ne pas voir ici une importation syro-phénicienne et le résultat d’une assimilation établie dès une haute antiquité entre le déluge de Deucalion et le déluge de ‘Hasisadra, comme l’établit aussi l’auteur du traité Sur la Déesse syrienne. Auprès du temple de Zeus Olympien, l’on montrait une fissure dans le sol, longue d’une coudée seulement, par laquelle on disait que les eaux du déluge avaient été englouties dans la terre. Là, chaque année, dans le troisième jour de la fête des Anthestéries, jour de deuil, consacré aux morts, c’est-à-dire le 13 du mois d’anthestérion, vers le commencement de mars, on venait verser dans le gouffre de l’eau, comme à Bambyce, et de la farine mêlée de miel, ainsi qu’on faisait dans la fosse que l’on creusait à l’occident du tombeau, dans les sacrifices funèbres des Athéniens".

Dans cette légende, il y a aussi des passages qui pointent vers l'Atlantide. Nous verrons plus loin que le dieu grec Zeus était l'un des rois de l'Atlantide. "Les hommes de l'âge de bronze" indique la civilisation des peuples condamnés ; ils étaient les grands métallurgistes de leur temps, qui, comme nous le verrons, furent probablement à l'origine du grand nombre d'outils et d'armes en bronze que l'on trouve partout en Europe. Ici aussi, bien qu'aucune durée ne soit assignée à la durée de la tempête, nous constatons que l'arche n'a flotté que neuf jours et neuf nuits. Noé avait un an et dix jours dans l'arche, Khasisatra n'était pas la moitié de ce temps, tandis que Deucalion était à flot seulement neuf jours.

"Tel était à Mégare, l’éponyme de la ville : Mégaros, fils de Zeus et d’une des Nymphes Sithnides, qui, averti de l’imminence du déluge par les cris des grues, avait cherché un refuge sur le Mont Géranien. Tels étaient le Thessalien Cérambos, qui avait pu, disait-on, échapper au déluge en s’élevant dans les airs au moyen d’ailes que les Nymphes lui avaient données, ou bien Perirrhoos, fils d’Aiolos, que Zeus Naïos avait préservé du cataclysme à Dodone. Pour les gens de l’île de Cos, le héros sauvé du déluge était Mérops, fils d’Hyas, qui avait rassemblé sous sa loi dans leur île les débris de l’humanité, préservés avec lui. Les traditions de Rhodes faisaient échapper au cataclysme les seuls Telchines, celles de la Crète Jasion. A Samothrace, ce rôle de héros sauvé du déluge était attribué à Saon, que l’on disait fils de Zeus ou d’Hermès."
On observera que dans toutes ces légendes, le nom de Zeus, roi de l'Atlantide, réapparaît. Il semble probable que beaucoup aient échappé à la catastrophe, et aient débarqué aux différents points nommés par les traditions ; ou bien que des colonies aient déjà été établies par les Atlantes dans ces lieux. Il semble impossible qu'un peuple maritime ait pu être totalement détruit ; beaucoup sans doute étaient à bord des navires dans les ports, et d'autres allaient et venaient pour pour de lointains voyages.
"L'invasion de l'Orient, dit Baldwin (Nations préhistoriques, p. 396), à laquelle se réfère l'histoire de l'Atlantide, semble avoir donné naissance au Panathenæ, le plus ancien, le plus grand et le plus splendide des festivals célébrés en Attique, en l'honneur d'Athéna. Ces fêtes auraient été instaurées par Erichthonis dans les temps les plus anciens dont les traditions historiques d'Athènes gardent la trace. Boeckh dit d'eux, dans son "Commentaire sur Platon" :
"Dans le grand Panathenæ on portait en procession un "peplum" de Minerve, représentant la guerre contre les géants et la victoire des dieux de l'Olympe. Dans le petit Panathenæ, ils portaient un autre peplum (couvert d'objets symboliques), qui montrait comment les Athéniens, soutenus par Minerve, prirent l'avantage dans la guerre contre les Atlantes". Une scholie (c'est à dire un commentaire NdT) de Proclus cité par Humboldt et Boeckh dit : " Les historiens qui parlent des îles de la mer extérieure nous disent qu'en leur temps il y avait sept îles consacrées à Proserpine, et trois autres d'une étendue immense, dont la première était consacrée à Pluton, la deuxième à Ammon, et la troisième à Neptune. Les habitants de ces dernières avaient gardé le souvenir (qui leur avait été transmis par leurs ancêtres) de l'île de l'Atlantide, qui était extrêmement grande, et qui longtemps domina toutes les îles de l'océan Atlantique. "L'Atlantide fut aussi consacrée à Neptune. (Voir "Histoire de la Géographie du Nouveau Continent" de Humboldt, vol. i.)
Personne ne peut lire ces légendes et douter que le Déluge soit une réalité historique. Il est impossible qu'en deux endroits différents de l'Ancien Monde, éloignés l'un de l'autre, des cérémonies religieuses aient été établies et perpétuées d'âge en âge en souvenir d'un événement qui ne s'est jamais produit. Nous avons vu qu'à Athènes et à Hiérapolis, en Syrie, des pèlerins venaient de loin pour apaiser le dieu du tremblement de terre, en versant des offrandes dans les fissures de la terre qui auraient été faites lors de la destruction de l'Atlantide.
De plus, l'histoire de Platon nous apprend que les Athéniens ont longtemps conservé dans leurs livres le souvenir d'une victoire remportée sur les Atlantes dans les premiers âges, et célébrée par des festivals nationaux, des processions et des cérémonies religieuses.
C'est trop nous demander que de croire que l'histoire biblique, les légendes chaldéennes, iraniennes et grecques ne signifient rien, et que même les pèlerinages religieux et les festivités nationales sont basés sur un mythe.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait plus lointain que dans la légende du déluge de l'île de Cos, le héros de l'histoire était Merops. Nous avons vu que, selon Théopompus, l'un des noms du peuple de l'Atlantide était "Mérope".
Mais nous n'en avons pas encore terminé avec nos légendes du Déluge. Les Mages perses avaient une tradition selon laquelle de l'eau s'échappait du four d'une vieille femme. Mohammed a emprunté cette histoire, et dans le Coran, dit que le déluge vient d'un four. "Tous les hommes furent noyés, sauf Noé et sa famille ; puis Dieu dit:'Ô terre, avale tes eaux, et toi, ciel, retiens ta pluie,' et aussitôt les eaux se sont apaisées."
Dans les poèmes des bardes du Pays de Galles, nous avons une tradition du Déluge qui, bien que récente, sous la forme concise de triades, mérite encore notre attention. Comme d'habitude, la légende se déroule dans le pays, et le Déluge comporte trois terribles catastrophes de l'île de Prydian, ou Grande-Bretagne, les deux autres consistant en la dévastation par le feu et par la sécheresse.
"Le premier de ces événements, dit-on, fut l'éruption de Llyn-llion, ou "le lac des vagues", et l'inondation (bawdd) de tout le pays, par laquelle toute l'humanité fut noyée à l'exception de Dwyfam et Dwyfach, qui se sauvèrent dans un vaisseau sans gréement, et ce fut par eux que l'île de Prydian fut repeuplée.
Pictet observe ici :
"Bien que les triades dans leur forme actuelle ne datent guère d'avant le XIIIe ou le XIVe siècle, certaines d'entre elles sont sans aucun doute liées à des traditions très anciennes, et rien n'indique ici un emprunt à la Genèse.
"Mais il n'en est peut-être pas ainsi avec une autre triade, parlant du vaisseau Nefyddnaf-Neifion, qui à l'époque du débordement de Llyon-llion, receuillit un couple de tous les êtres vivants, ressemblant un peu trop à l'arche de Noé. Le nom même du patriarche a pu suggérer cette triple épithète, obscure quant à sa signification, mais évidemment formée sur le principe de l'allitération kymrique (de la langue galloise NdT). Dans la même triade, nous avons l'énigmatique histoire du boeuf à cornes (ychain banog) de Hu le puissant, qui a tiré l'avanc (castor ou crocodile ?) hors du Llyon-llion, afin que le lac ne déborde pas. La signification de ces énigmes ne pourrait être envisagée qu'en déchiffrant le chaos de monuments barbares du Moyen Âge gallois, mais nous ne pouvons douter que les Kimris possédaient une tradition indigène du Déluge."
On retrouve également un vestige de la même tradition dans l'Edda scandinave. Ici, l'histoire se combine avec un mythe cosmogonique. Les trois fils de Borr--Othin, Wili, et Nous--petits-fils de Buri, le premier homme, tuent Ymir, le père des Hrimthursar, ou géants de glace, et son corps leur sert pour la construction du monde. Le sang coule de ses blessures avec une telle abondance que toute la race des géants s'y noie sauf Bergelmir, qui se sauve lui-même, ainsi que sa femme, dans un bateau, et perpétue la race.
Dans l'Edda de Soemund, "La Prophétie de Völva" (stz. 48-56, p. 9), on a l'impression d'entrevoir une terrible catastrophe, qui nous rappelle la légende chaldéenne :
"Alors tremble la cendre d'Yggdrasil encore debout, gémit cet arbre ancien, et le Jötun Loki est délié. Les ombres gémissent sur les chemins de Hel (la déesse de la mort), jusqu'à ce que le feu de Surt ait consumé l'arbre. L'Hyrm coule de l'est, les eaux montent, le serpent commun est enroulé en jötun-rage. Le ver bat l'eau et l'aigle crie ; le pâle du bec déchire les carcasses ; (le navire) Naglfar est délié. Venant du sud, le soleil de Valgod brille de son épée, la flamme vacillante. Les collines de pierre sont déchiquetées, les géantes chancellent, les hommes suivent le chemin d'Hel, et le ciel est boursouflé. Le soleil s'obscurcit, la terre s'enfonce dans l'océan, les étoiles brillantes tombent du ciel, le souffle du feu assaille le feu qui nourrit et domine le ciel lui-même."
L'Égypte ne contient aucune allusion au déluge. Lenormant dit :
"Tandis que la tradition du déluge tient une si grande place dans les souvenirs légendaires de tous les rameaux de la race aryenne, les monuments et les textes originaux de l’Égypte, au milieu de leurs spéculations cosmogoniques, n’ont pas offert une seule allusion, même lointaine, à un souvenir de ce cataclysme. Quand les Grecs racontaient aux prêtres de l’Égypte le déluge de Deucalion, ceux-ci leur répondaient que la vallée du Nil en avait été préservée, aussi bien que de la conflagration produite par Phaéthou ; ils ajoutaient même que les Hellènes étaient des enfants d’attacher tant d’importance à cet événement, car il y avait eu bien d’autres catastrophes locales analogues.
Selon un passage de Manéthon, très soupçonné d'être une interpolation, Thot, ou Hermès Trismégiste, avait lui-même, avant le cataclysme, inscrit sur des stèles, en langage hiéroglyphique et sacré, les principes de toute connaissance. Après cela, le second Thot traduisit dans la langue vulgaire le contenu de ces stèles. Ce serait la seule mention égyptienne du Déluge, le même Manéthon qui n'en parle pas dans ce qui nous reste de ses 'Dynasties', sa seule œuvre authentique complète. Le silence de tous les autres mythes de la religion pharaonique rend très probable que ce qui précède n'est qu'une tradition étrangère, introduite tardivement, et sans doute d'origine asiatique et chaldéenne."
À mon avis, l'explication de cette omission singulière est très claire. Les Égyptiens avaient conservé dans leurs annales l'histoire précise de la destruction de l'Atlantide, à partir de laquelle les légendes du Déluge se sont développées ; et, comme ils l'ont dit aux Grecs, il n'y a pas eu de déluge universel, mais seulement des catastrophes locales. Détenteurs de la véritable histoire de la catastrophe locale qui avait détruit l'Atlantide, ils n'ont pas développé de mythes sur un déluge universel submergeant les sommets des montagnes du monde entier. Ils n'avaient pas d'Ararat dans leur pays.
Les traditions des premiers âges chrétiens touchant le Déluge indiquaient le quart du monde dans lequel se trouvait l'Atlantide.
Un vieux moine pittoresque nommé Cosmos, il y a environ mille ans, publia un livre, "Topographia Christiana", accompagné d'une carte, dans laquelle il donne sa vision du monde tel qu'il était alors compris. C'était un corps entouré d'eau, et reposant sur rien. "La terre, dit Cosmos, presse vers le bas, mais les parties ignées tendent vers le haut, et entre les forces en conflit, la terre est suspendue, comme le cercueil de Mahomet dans l'histoire ancienne. L'illustration ci-jointe représente la terre entourée par l'océan, et au-delà de cet océan se trouve "la terre où les hommes habitaient avant le Déluge".


CARTE DU MONDE SELON COSMOS

Il nous donne ensuite une carte plus précise, et détaillée, du monde connu de son époque.
Je reproduis cette carte, non pas pour montrer combien nous en savons plus que le pauvre Cosmos, mais parce qu'il a enseigné que tout autour de ce monde habitable il y avait encore un autre monde, adhérant étroitement de tous côtés aux murs circonscrivant du paradis. "Sur le côté oriental de cette terre outremer, il pense que l'homme a été créé ; et que là se trouvait le paradis de l'allégresse, comme il est décrit ici sur le bord oriental, qui a abrité nos premiers ancêtres, chassés du Paradis à cette pointe extrême de terre sur le bord de la mer. Ainsi, à la survenue du Déluge, Noé et ses fils furent portés par l'arche jusqu'à la terre que nous habitons maintenant. Les quatre fleuves qu'il suppose jailliront par les becs du Paradis." Ils sont représentés sur la carte ci-dessus : O est la mer Méditerranée ; P, le golfe Persique ; L, la mer Caspienne ; Q, le Tigre ; M, le fleuve Pison ; et J, la terre où les hommes ont vécu avant le Déluge.
On observera que, tout en situant le Paradis à l'est, il place la scène du Déluge à l'ouest ; et il suppose que Noé est allé de l'endroit du Déluge vers l'Europe.
Cela montre que les traditions de l'époque de Cosmos considéraient l'ouest comme le lieu du Déluge, et qu'après le Déluge, Noé vint sur les rives de la Méditerranée. Le fait qu'il y eut des terres à l'ouest au-delà de l'océan était également connu de Cosmos, et c'est probablement un faible écho de l'époque atlante.


CARTE DE L'EUROPE, D'APRÈS COSMOS

La grossière figure suivante, de Cosmos, représente la haute montagne au nord derrière laquelle le soleil se cache la nuit venue, produisant ainsi l'alternance du jour et de la nuit. Sa majesté solaire vient tout juste d'arriver derrière la montagne, tandis que Luna (la lune NdT) regarde calmement l'opération. La montagne est aussi courbée que Culhuacan, la montagne courbée d'Atzlan décrite par les Aztèques.


LA MONTAGNE, LE SOLEIL SE CACHE DERRIÈRE LA NUIT

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